On parle de stress au travail, de pression permanente, de recherche de résultats et de performances à tout prix. Les médias relatent des histoires tragiques : suicides, dépressions, destins professionnels brisés… Bref, la vie professionnelle peut parfois tourner au cauchemar.
Le harcèlement au travail est une forme de manipulation psychologique, très puissante, qui crée une relation de dominant / dominé. Ce n’est pas toujours le supérieur hiérarchique qui est sur le dos, cela peut être un collègue, ou même une personne d’un niveau hiérarchique inférieur. Le harcèlement ne dure pas que 7 heures par jour au travail. La personne harcelée y pense tout le temps et cherche des solutions pour sortir de cette engrenage.
Osez dénoncer !
Témoignage d’Annabelle, 24 ans : « Je suis arrivée pour un CDD de quatre mois, dans une entreprise, à un poste administratif. C’était un remplacement : la personne que je remplaçais, se faisait opérer du genou. Cette opération bénigne nécessitait un temps de rééducation important. Il n’y avait aucun enjeu d’embauche définitive à la clé. Je n’étais là que de passage et cela était su de tous. J’ai eu deux jours de doublon, avec la personne à remplacer. J’ai bien senti toute la compassion de la personne qui partait en me disant, » bon courage, il vous en faudra ». Je n’ai pas compris ce qu’elle voulait dire.
Au début, je pensais que c’était à cause des tâches très vastes que je ne maîtrisais pas et le fait d’être sur terrain sans filet. Pleine de bonne volonté, j’étais résolue à donner le meilleur de moi-même. Mais au bout de trois semaines, j’ai vite compris que le problème venait d’une de ses plus proches collaboratrices. Au début, elle était juste désagréable et n’avait jamais le temps pour me parler. Mais rapidement, le phénomène s’est accentué : rétention d’informations, appels constants au téléphone, délégation de tâches supplémentaires, ton improbable et rabaissant, ignorance devant les collègues (pour ne pas montrer qu’elle ne pouvait pas me voir, elle m’ignorait). Elle n’hésitait pas à passer au téléphone les personnes les plus placées de l’entreprise, pour des problématiques dont je n’avais pas connaissance, ce qui me mettait dans un grand embarras.
Pour finir, elle m’a volé un dossier très important, alors qu’elle avait déjà énormément de travail. Elle s’est attribuée toutes les tâches importantes, pour briller devant les supérieurs. Je suis allée voir le psychologue du travail, pour parler du problème. Il m’a cru, alors que je pensais que personne ne pouvait me croire. Il m’a encouragé à en parler au directeur, ce que j’ai fait.
Le directeur n’était pas étonné. Il avait déjà eu vent de telles situations. Je lui ai annoncé que je partais au bout de trois mois, même si je n’ai pas fini mon remplacement. J’ai eu de la chance : j’avais signé un contrat de trois mois et on devait me renouveler pour le dernier mois. Même si j’ai laissé l’entreprise dans une situation difficile, j’ai estimé que je ne devais pas souffrir inutilement.
Aujourd’hui, je suis au chômage. J’ai peur de me lancer dans de nouvelles expériences. Cette expérience a été tellement déstabilisante que j’ai pensé à changer d’orientation. Personne ne peut se rendre compte de la dureté psychologique du harcèlement. Il ne dure pas que 7 heures par jour au travail car on ne cesse de penser à ce problème chez soi. On ne dort plus, mange des quantités impressionnantes pour se calmer. On cherche des solutions pour sortir de cet enfer, mais on tourne en rond. On va droit vers la dépression. Il me faudra du temps pour me reconstruire et restaurer la confiance détruite. »
Des personnes comme Annabelle, on en croise tous les jours dans les couloirs des instituts de formation, de Pôle emploi ou au Conseil des Prud’hommes. Se taire en cas de harcèlement moral, c’est accepter cette violence.
Que faire en cas de harcèlement ?
Le harcèlement moral ou sexuel est formellement interdit. Il doit être condamné : le Conseil des Prud’hommes est bien là pour protéger les salariés, en situation de harcèlement. Pour cela, il ne faut pas hésiter à en parler aux élus du personnel, syndicats, qui connaissent bien la démarche à suivre.
Si vous ne souhaitez pas en parler sur votre lieu de travail, la Médecine du travail accueille des salariés en situation de détresse psychologique. Le stress et la violence morale sont des phénomènes pris au sérieux par la Médecine du travail. Ils pourront vous guider vers le psychologue du travail ou l’Inspection du Travail.
Apprenez à dire NON. Personne n’a le droit de vous parler sur un ton inadapté, ni de dénigrer votre travail de manière systématique, ni de vous exclure de l’équipe. Les relations de travail sont avant tout des relations humaines. Pourtant, il ne s’agit pas de tout accepter en bloc. Il faut apprendre savoir faire des compromis mais surtout à se faire respecter. N’hésitez pas à rompre cette spirale, dès le début de la dégradation des conditions de travail.
Le changement d’orientation professionnelle suite à un harcèlement, est souvent le désir des salariés qui cherchent à ne surtout pas reproduire le même schéma. Celui-ci peut être bénéfique, mais il n’est pas obligatoire. Il existe des harceleurs dans tous les secteurs professionnels. Cette décision doit être mûrement réfléchie.
Ne restez surtout pas seul. Le harcèlement isole : la personne perd confiance en elle et de ses capacités relationnelles. Cette solitude conduit tout droit vers des drames. N’oubliez pas que le harcèlement moral est un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.